AVEC UNE BASE CLIENTELE D’ENVIRON 30 000 PERSONNES, LA FINANCE ISLAMIQUE PROPOSE UNE GAMME DE SERVICES EN FONCTION DU BESOIN EXPRIME PAR LE CLIENT ET A UN TAUX D’INTERET ZERO. UNE BANQUE PEUT-ELLE FONCTIONNER SANS INTERETS ? S’AGIT-IL D’UNE STRATEGIE COMMERCIALE ?

La branche islamique dénommée « Coris Bank Baraka », dans le cadre de son fonctionnement, mène des activités financières et commerciales en conformité avec les règles et principes de la jurisprudence musulmane notamment la « chari’a ». Elle fonctionne suivant cinq critères classifiés. Il s’agit de l’interdiction de l’intérêt ou de l’usure (Riba), l’interdiction des secteurs jugés illicites tels que l’alcool, la cigarette, l’armement à outrance, l’interdiction de tout ce qui est incertitude, la spéculation à outrance. La finance islamique s’adosse également sur des actifs tangibles.

Et en dernier ressort, c’est le principe de partager des profits ou des pertes liées à toute transaction financière. « La finance islamique ne vient pas en concurrence ou en compétition avec la finance existante. Elle vient juste ouvrir une autre manière d’offrir la finance aux populations qui y trouvent leur compte », a clarifié le chargé du développement des activités de la finance islamique au niveau de Coris holding, Yaya Sidibé. De ce point de vue, cette finance se veut participative, éthique et responsable. Avec cette nouvelle solution de financement disponible dans toutes ses agences, CBI veut contribuer au développement de l’économie burkinabè.

S’adressant particulièrement à tous ceux qui souhaitent investir, épargner, prêter ou emprunter de manière éthique et conforme au code moral de la finance islamique, elle mène des activités de mobilisation de ressources à travers le compte d’investissement, et le compte Mourabaha qui est un produit dans lequel, le client apporte son fonds et la banque, avec son expertise, le fortifie. Les deux répartissent les profits qui seront générés à l’issue de l’activité réalisée. Ensuite, il y a des produits de financement tels que la Mourabaha financement qui est un produit achat-vente. A ce niveau, l’agence procède à l’acquisition au comptant d’un bien quelconque sur recommandation du client et sa revente au client avec une marge bénéficiaire revenant à la banque.

A côté de cela, il existe d’autres formes de financements dont l’IJARA qui est le crédit-bail, le transfert et les cautions (...). Cette nouvelle solution n’oublie pas les acteurs du secteur informel, rassure M. Sidibé. Elle dispose également de produits adaptés à leur endroit. Ces derniers déposent leurs fonds à la banque à travers le compte wadi’a Précaution adaptée à leur situation. Outre cela, Coris Bank Baraka se propose de les accompagner dans le développement de leur affaire : acquisition de matériel de production, de matériel de transport, de stock de marchandise etc. Pour y souscrire, il faut être bancarisable et avoir les garanties nécessaires.

Sans taux d’intérêt

Paradoxalement, la finance islamique reste méconnue des acteurs du secteur informel. Le Conseil national de l’économie informelle du Burkina Faso (CNEI-BF) dit ne pas avoir connaissance de la finance islamique. « Nous n’en avons jamais bénéficié et nous ignorons ses modalités. Pour demander des fonds pour les activités de nos membres, il faut d’abord connaître le fonds. Or nous n’en n’avons pas connaissance », a confirmé le secrétaire général du CNEI-BF, Saidou Zangré. Toutefois, il a marqué la disponibilité du conseil à recevoir ce type de financement pour les besoins des membres surtout que la problématique de l’accès au financement est une préoccupation première des travailleurs de l’économie informelle.

Le chargé du développement des activités de la finance islamique a assuré que l’agence respecte la réglementation de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Et c’est bien en cela que l’institution financière a émis deux instructions qui encadrent l’activité de la finance islamique. Il s’agit de l’instruction 00203/2018 relative au mode de fonctionnement de l’activité de la finance islamique et l’instruction 00405/2018 relative aux différents produits de la finance islamique. Avec cette innovation, la banque prend en charge les intérêts.

C’est donc pour l’emprunteur un prêt « à taux zéro », remboursable sans intérêt. « Il n’y a pas de taux d’intérêt en finance islamique. Nous générons plutôt des marges de profit qui nous permettent aisément de rentabiliser nos activités. Le taux de cette marge n’est pas connu. Il se négocie. Aussi, nous tenons compte de l’environnement concurrentiel dans sa fixation », a confié M. Sidibé. Il a, séance tenante, clarifié les deux concepts. Selon lui, la marge est la somme d’un facteur capital plus un facteur travail alors que l’intérêt, c’est un surplus sur un capital.

Les failles de la finance islamique

Est-ce qu’une banque peut fonctionner sans intérêt ? Nous avons approché un ancien économiste à la Banque mondiale pour lever toute équivoque. De l’appréciation de Dr Daouda Zouré, le concept est bon, mais la faisabilité n’est pas possible dans la mesure où cela est en contradiction avec les règles bancaires en général. « Même des taux qui sont concessionnels en dehors, par exemple, de la réglementation bancaire si vous prenez les taux de dépôt dans les banques qui sont de 5 à 6%, il est impossible que vous fassiez des taux en dehors de cela. C’est là, la situation un peu difficile de la mise en œuvre de cette institution. La question aussi de l’intérêt dans la finance islamique qui est perçue dans le principe de l’islam rend la situation encore plus complexe », a-t-il souligné.

Des pays comme le Sénégal et le Mali ont tenté l’expérience, mais ils ont vite fait de jeter l’éponge. Aux dires de Dr Zouré, la finance islamique pourrait marcher si seulement, elle se situe dans une autre logique économique comme les taux d’intérêts concessionnels de 1,5% qui permettent de couvrir les dépenses de la banque. Même avec cela, il se demande si cela ne va pas porter atteinte à la rentabilité de la banque et poser par la même occasion des problèmes internes. En tout état de cause, tout dépendra de la politique en amont de la banque centrale et de la politique financière du pays.

Les failles de la finance islamique

Est-ce qu’une banque peut fonctionner sans intérêt ? Nous avons approché un ancien économiste à la Banque mondiale pour lever toute équivoque. De l’appréciation de Dr Daouda Zouré, le concept est bon, mais la faisabilité n’est pas possible dans la mesure où cela est en contradiction avec les règles bancaires en général. « Même des taux qui sont concessionnels en dehors, par exemple, de la réglementation bancaire si vous prenez les taux de dépôt dans les banques qui sont de 5 à 6%, il est impossible que vous fassiez des taux en dehors de cela. C’est là, la situation un peu difficile de la mise en œuvre de cette institution. La question aussi de l’intérêt dans la finance islamique qui est perçue dans le principe de l’islam rend la situation encore plus complexe », a-t-il souligné.

Des pays comme le Sénégal et le Mali ont tenté l’expérience, mais ils ont vite fait de jeter l’éponge. Aux dires de Dr Zouré, la finance islamique pourrait marcher si seulement, elle se situe dans une autre logique économique comme les taux d’intérêts concessionnels de 1,5% qui permettent de couvrir les dépenses de la banque. Même avec cela, il se demande si cela ne va pas porter atteinte à la rentabilité de la banque et poser par la même occasion des problèmes internes. En tout état de cause, tout dépendra de la politique en amont de la banque centrale et de la politique financière du pays.

L’ancien économiste à la Banque mondiale a saisi l’occasion pour formuler des recommandations à l’État burkinabè. Il lui a demandé de jouer son rôle d’acteur dans l’économie et de revoir la politique monétaire. « Dans la sous-région depuis les indépendances, il y a des banques de l’État qui accordent des prêts de financement aux citoyens. Chez nous au Burkina Faso, on a tué toutes les banques de l’État (BIB, etc.) par la mauvaise gestion. Ces banques ont été reprises par le privé », a-t-il déploré.

L’agence (CB Baraka) affiche des indicateurs satisfaisants au regard de sa base clientèle estimée a environ 30 000 personnes. Comment cette finance a pu les aider à développer leurs activités ? Notre tentative de rentrer en contact avec un des clients de l’agence est restée sans suite. Cela signifierait-il qu’il y a des non-dits. Qu’est-ce que l’agence essaie de cacher à la population ? Au moment où nous bouclions notre article, ces préoccupations sont restées sans réponses. Mais qu’à cela ne tienne, « les meilleurs clients sont des non musulmans ». Pour ainsi dire que la finance islamique s’adresse à toutes et à tous sans distinction de religions.

Aïssata Laure G. Sidibé
Lefaso.net


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