Sous la direction de Kako Nubukpo, les étudiants de la faculté des Sciences économiques et de gestion de l’Université de Lomé ont publié un ouvrage intitulé « Du franc CFA à l’Eco : Quelle monnaie pour quel développement en Afrique de l’Ouest ? ». Vous l’aurez deviné, la problématique du développement monétaire de l’Afrique y est abordée. Le passage du franc CFA à l’Eco s’annonce ainsi comme un véritable test de sincérité pour construire ce que devrait être un véritable programme d’émancipation monétaire en Afrique de l’Ouest.

Le temps est venu pour l’Afrique de l’Ouest d’opérer un changement historique, une reforme structurelle d’envergure. C’est du moins ce que l’ouvrage des étudiants de la faculté des Sciences économiques et de gestion de l’Université de Lomé ont voulu montrer. En effet, intitulé « Du franc CFA à l’Eco : Quelle monnaie pour quel développement en Afrique de l’Ouest ? », cet ouvrage invite les dirigeants des pays d’Afrique de l’Ouest, à travers la CEDEAO, à mettre fin à l’époque du franc CFA pour ouvrir une nouvelle phase et donner naissance à une nouvelle monnaie, qui incarne la souveraineté monétaire et la prise de responsabilité de la part des Etats de la CEDEAO par rapport à leur devise et à leur futur.

D’après les auteurs, cette prise de responsabilité doit notamment se traduire par une solidarité réelle entre les pays de la CEDEAO. Car la chute de la croissance économique dans la région en raison de la pandémie de Covid-19 n’est qu’une difficulté supplémentaire, qui rend encore plus difficile le respect de critères de convergence minimale, mais le moment idéal avec les conditions propices n’existe pas. Par conséquent, stipule l’ouvrage, la sous-région ouest-africaine doit parvenir à surmonter les obstacles qui freinent son intégration économique, et cet ouvrage offre quelques pistes et réflexions pour y parvenir.

La première réforme d’envergure, qui est que la mise en place de l’Eco, présente des avantages et des inconvénients. Même si un certain nombre de zones d’ombre, voire d’aléas ou de risques, existent face à ce changement sans précédent, les chapitres de cet ouvrage ont aussi mis en relief un certain nombre d’avantages économiques et financiers importants pour les pays de la région. Ainsi, l’Eco devrait faciliter les échanges commerciaux et financiers, réduire le coût des transactions financières entre les pays et renforcer la concurrence.

Tout cela ne peut que stimuler la vitalité économique et donc engendrer une croissance économique durable à terme. Ce dynamisme économique positif ne pourra qu’attirer les investissements étrangers, accroître la compétitivité économique des acteurs dans l’économie mondiale, et cela devrait avoir un effet sur le développement des pays et des sociétés de la région.

L’ouvrage affirme que la politique monétaire de la région doit être en phase avec la politique économique de développement des pays et de la région dans son ensemble.

Il s’agit, en effet, pour l’Afrique de l’Ouest, longtemps liée à la France par un (néo)colonialisme monétaire au franc français puis à l’Euro, de se réapproprier son projet de développement ainsi que des outils et des choix pour parvenir à le mettre en œuvre et accéder à sa souveraineté pleine et entière.

Quelles chances de réussite dans la mise en œuvre de l’Eco ?

Pour maximiser les chances de réussite du processus d’intégration monétaire en cours, l’ouvrage propose quelques priorités. Il s’agit, primo, de la problématique de l’emploi, notamment l’emploi des jeunes et des femmes, qu’il est grand temps d’affronter avec des outils adaptés. Secundo, il faut mettre l’accent sur la croissance économique durable et inclusive, basée sur des choix et des politiques sectorielles ambitieuses et réalistes.

Elle devrait encourager une industrialisation fondée sur le développement des nouvelles technologies, notamment la digitalisation des procédures, autant dans le secteur public que dans le privé. Tertio, il y a le développement des infrastructures, qu’elles soient matérielles ou immatérielles, à l’instar des technologies de l’information et de la communication. Il s’agit là d’une transformation régionale, dans laquelle l’Eco peut et doit jouer un rôle central.

Quarto, l’ouvrage mentionne le développement d’une agriculture compétitive et à mesure d’encourager le développement à la fois d’une agriculture familiale résiliente et d’un agrobusiness à la hauteur des potentialités agricoles de la région et qui puisse garantir la souveraineté alimentaire aux peuples ouest-africains.

D’ailleurs, un récent rapport de la Banque africaine de développement (BAD) a notamment souligné les potentialités et les conséquences de taille de l’agrobusiness pour le continent africain, notamment pour l’Afrique de l’Ouest. C’est la raison pour laquelle, parmi les secteurs économiques, l’agriculture est l’un des plus stratégiques pour la région, en rapport notamment avec le changement climatique, qui engendre de nouveaux défis à relever en termes d’adaptation des cultures.

Quinto, il s’agit d’une meilleure intégration régionale des pays de la CEDEAO, basée sur une solidarité réelle. Si l’Eco ne peut pas garantir une meilleure intégration régionale des pays de la CEDEAO, il peut néanmoins avoir un rôle moteur fort, en facilitant un véritable fédéralisme budgétaire, les échanges commerciaux, ainsi que la circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux. En fin de compte, une Afrique de l’Ouest forte, optant pour un développement endogène construit autour d’une monnaie souveraine constitue un impératif pour un continent africain en marche vers la transformation structurelle de son économie et de sa société.

Obissa Juste MIEN
Lefaso.net


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