LE BURKINA FASO DISPOSE DE SIX CIMENTERIES DONT QUATRE INSTALLEES A OUAGADOUGOU ET DEUX A BOBO-DIOULASSO. CES USINES PRODUISENT 6,7 MILLIONS DE TONNES DE CIMENT PAR AN, ET EMPLOIENT 15 000 PERSONNES. POURTANT, LA DEMANDE AU BURKINA EST DE 3,2 MILLIONS DE TONNES PAR AN. LES USINES TOURNENT ACTUELLEMENT A 50% DE LEURS CAPACITES. MALGRE UNE OFFRE SUPERIEURE A LA DEMANDE, LES PRIX VARIENT ENTRE 5 750 ET 6 000 FRANCS CFA LE SAC DANS LA CAPITALE BURKINABE. DES TARIFS PARMI LES PLUS ELEVES DE LA SOUS-REGION. QUELLES SONT CES DIFFERENTES CIMENTERIES QUI ALIMENTENT LE MARCHE ? QUELS SONT LEURS DEBOUCHES ? EXPORTENT-ELLES LE CIMENT PRODUIT ? QUELLES DIFFICULTES RENCONTRENT-ELLES ? POURQUOI LA CONCURRENCE NE SEMBLE PAS JOUER SUR LES PRIX ? QUELQUES ELEMENTS DE REPONSES DANS CE DOSSIER.

Au Burkina, l’urbanisation galopante et le secteur du Bâtiment et des travaux publics (BTP) sont des tremplins pour le marché du ciment. A l’horizon 2030, le pays devrait consommer dix millions de tonnes « d’or gris », selon les estimations. Les statistiques du commerce extérieur produites par l’Institut national de la statistique et de la démographie (INSD) établissent que la quantité totale de ciment hydraulique exportée par le pays a presque triplé sur les cinq dernières années, passant de 28 892 tonnes en 2014 à 77 815 tonnes en 2019.

Le Burkina compte à ce jour six cimenteries, dont quatre installées à Ouagadougou (CIMFASO, CIMAF BF, CIMBURKINA et Diamond Cement) et deux dans la capitale économique Bobo-Dioulasso (CIMASSO et CIMAF Dioulasso) et bientôt une septième. Ces usines produisent 6,7 millions de tonnes de ciment par an, pour une demande intérieure de 3,2 millions de tonnes par an. Pour ce qui est des prix, les producteurs burkinabè de ciment, réunis au sein de l’Association des cimentiers du Burkina, font front commun et pratiquent quasiment les mêmes prix. Face à l’étroitesse du marché local, le surplus de ciment est donc exporté dans la sous-région.

« Le prix du ciment au Burkina peut subir une hausse deux à trois fois l’an », s’indigne un commerçant du quartier Cissin, à Ouagadougou, qui requiert l’anonymat. Malgré une rude concurrence, ce matériau indispensable à la construction connaît un prix exorbitant sur le marché burkinabè, renchérit un de ses clients présents lors de notre passage dans son point de vente. « A qui profite cette concurrence alors ? Dites-nous, c’est à qui ? », insiste-t-il.

Pour le client, il y a un laisser-aller au niveau des autorités, sinon il est inadmissible qu’on achète un sac de ciment à plus de 5 000 voire 6 000 francs CFA. Visiblement remonté, il affirme n’avoir jamais vu cela ailleurs, si ce n’est au Burkina Faso.
Le commerçant, lui, pointe l’instabilité du prix du ciment, estimant qu’il n’est pas normal que les prix soient augmentés deux fois au cours de la même année. C’est la faute du gouvernement qui ferme les yeux, selon lui.

En fait, explique-t-il, si l’Etat se désengage et laisse libre cours aux acteurs, il n’est pas étonnant que les patrons eux-mêmes se concertent pour augmenter les prix, au détriment des consommateurs. Il est convaincu que la cherté de ce matériau est le résultat du « désordre » qui règne dans le secteur. Notre interlocuteur précise que le coût de la tonne à l’usine varie entre 100 000 et 110 000 francs CFA, tandis que le déchargement se fait à 1 000 francs CFA la tonne, à raison de 50 francs le sac.

Achille Diouma est ingénieur du bâtiment et des travaux publics, résidant à Ouagadougou. Il estime que la fixation des prix devrait se faire en accord avec le ministère de tutelle. A partir du moment où chaque usine a ses propres problèmes internes et externes, pense-t-il, le coût du ciment ne devrait pas être le même parce que ces usines ne rencontrent pas forcément les mêmes difficultés. « Nous constatons sur le marché que les prix sont pratiquement les mêmes, et cela donne du fil à retordre à la population. Si les prix peuvent grimper deux à trois fois l’année, il y a anguille sous roche », fait remarquer l’ingénieur.

Le spécialiste en bâtiments suggère qu’il y ait une vraie réglementation et un contrôle plus strict de ces usines. « Si l’offre dépasse la demande, où part le surplus ? », s’est-il également demandé. Puis d’ajouter : « Au début de l’installation des usines, les populations ne se plaignaient pas. Mais si elles se rendent compte par la suite que les prix sont toujours à la hausse, cela pourrait signifier que quelque part, des personnes ne font pas leur travail et profitent de la situation pour s’en mettre plein les poches ».
Dans une interview publiée le 28 juin 2022 sur Lefaso.net, le président de l’Association des cimentiers du Burkina (ACB), Abdelali Temsamani, affirmait que « le dispositif industriel des cimentiers du Burkina Faso a atteint une capacité de production nominale annuelle de ciment de 6,7 millions de tonnes, pour une demande du marché national de 3,2 millions de tonnes ».

Et pour ce qui concerne le coût de la tonne de ciment, le président de l’ACB avance qu’à l’instar des autres secteurs d’activités, celui du ciment est confronté à plusieurs difficultés depuis ces dernières années, avec les effets majeurs de la crise sécuritaire et de la pandémie du Covid-19, et tout récemment les effets de la guerre russo-ukrainienne. Abdelali Temsamani précise que ces difficultés touchent notamment l’approvisionnement en matières premières sur le marché international (augmentation des prix du clinker et autres ajouts ainsi que du fret maritime).

Dofinitta Augustin Khan
Lefaso.net


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